Pour ce quatrième numéro de la « boîte noire », je vous propose de rencontrer Ariane Lavrilleux, journaliste du site indépendant Disclose, qui a multiplié les enquêtes ces dernières années sur les ventes d’armes, les violations des droits humains et les questions environnementales.
Ce n’est pas la première fois qu’Ariane Lavrilleux vient au Poste, mais elle a accepté de revenir alors qu’elle est convoquée ce vendredi 17 janvier au tribunal de Paris par une juge d’instruction. Elle risque une mise en examen pour « appropriation et divulgation d’un secret de la défense nationale ».
Dans le viseur de la justice et du ministère des Armées qui a porté plainte ? Des articles publiés en novembre 2021 par Ariane et trois autres journalistes sur Disclose au sujet d’une opération militaire secrète de la France en Égypte, baptisée « opération Sirli ». Cette mission a conduit à l’exécution arbitraire de centaines de civils égyptiens, le tout sur fond de vente d’armes. Comme le rappelle Disclose dans un récent communiqué, « pour sa participation à cette enquête, notre journaliste encourt une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende ». Pour Disclose, qui dénonce le détournement des moyens attribués à la lutte antiterroriste, « un nouveau cap est franchi dans les pressions exercées contre les journalistes qui enquêtent sur des affaires d’État ».
Rappelons qu’en septembre 2023, l’appartement d’Ariane Lavrilleux à Marseille avait été perquisitionné à 6 heures du matin. Neuf agents de la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure) ont alors récupéré toutes les données de ses ordinateurs, et a placé la journaliste en garde-à-vue durant … 39 heures. Ils cherchaient à identifier les sources qui lui ont permis de révéler que la France a aidé la dictature égyptienne à mener une campagne d’exécution arbitraire de civils entre 2016 à 2019.
Avec Ariane Lavrilleux, on parlera ainsi du respect du secret des sources, sur les barbouzes qui enquêtent sur les journalistes, et parfois les intimident, mais aussi des moyens nécessaires à des enquêtes journalistiques de longue haleine, et notamment leur financement.
Justement, ce lundi, plus de 80 organisations de presse, dont l’ONG Reporters sans frontières, les syndicats SNJ et CFDT, l’association du Prix Albert Londres et une série de médias dont StreetPress et Médiacités. demandent au gouvernement de « garantir la protection du secret des sources » Dans un courrier ouvert au Premier ministre, ainsi qu’aux ministres de la Culture, de l’Intérieur, de la Justice et des Armées, ces organismes présentent cinq propositions, élaborées par un groupe de travail constitué de journalistes et de juristes spécialistes du droit de la presse. Depuis la loi Dati, il est en effet possible de lever le secret des sources en invoquant un « impératif prépondérant d’intérêt public », qui est mal circonscrit. « Il est impératif de restreindre le champ » de cette notion, soulignent les organisations signataires. Oui, il y a urgence.
Marc Endeweld
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